En 1935, André Citroën n’est plus, terrassé par les difficultés. Michelin est devenu l’actionnaire majoritaire du premier constructeur français. Dans l’escarcelle, il trouve la Traction dont les débuts sont rendus difficiles par un évident manque de mise au point. De plus, il ne trouve qu’elle ! Depuis près de 10 ans, la firme du quai de Javel n’a plus de bas de gamme, la petite C3 5HP n’ayant jamais été remplacée.
Pressentant la poussée prochaine de la concurrence dans ce segment de marché (la Simca 5, version française de la Fiat Topolino, sortira l’année suivante), Pierre-Jules Boulanger lance à son tour le projet d’une “voiture minimum” un concept alors très à la mode.
C’est dans les années 1920 que serait né la projet d’une "très petite voiture" connu sous les lettres TPV. C’est, dit-on, dans les encombrements hippomobiles d une foire agricole, que Pierre-Jules Boulanger eut l’intuition géniale : “Il faut lancer la voiture simple, peu coûteuse, maniable, économique qui permettra à la fermière d’aller traire les vaches et de rapporter le lait à la ferme !” Cet objectif atteint, rien ne s’opposerait au succès familial d’une telle voiture.
L’ordre donné par le P.-D.G. à son directeur du bureau d’études est simple “Faites étudier une voiture pouvant transporter deux personnes et 50 kg de pommes de terre à 60 km/h en ne consommant que 3 litres au 100. La voiture devra pouvoir passer dans les plus mauvais chemins, être conduite par une débutante, avoir un confort irréprochable. Son prix devra être inférieur au tiers de celui de la Traction avant 11 CV”.
Le projet ne déchaîne pas l’enthousiasme chez Citroën ; il est baptisé “Bécassine”.
Pourtant, les hommes qui ont conçu et réalisé en un temps record la Traction, vont s’atteler au projet avec le même génie. L’équipe d André Lefèbvre, sous la direction de Roger Prud’homme, comprend Flaminio Bertoni, associé à Jean Murat et pour la carrosserie et Alphonse Forceau pour la transmission.
À la différence de celle de la Traction, la gestation de la 2 CV sera longue. Le premier prototype ne verra le jour qu’au début de 1937. Il tourne avec un moteur 500 cm3 demoto BMW ce sera l’origine du flat-twin qui équipera la 2 CV jusqu’à aujourd’hui. Les essais ne seront pas immédiatement concluants, et il faudra attendre mai 1939 pour qu’une première présérie de 250 voitures soit construite en vue d’un Salon qui n ouvrira jamais ses portes. Elles seront toutes détruites, sauf une, Citroën ne voulant pas livrer à l’ennemi ce qui est devenu le modèle TPV (Toute Petite Voiture).
La carrosserie est presque entièrement en Duralinox.
La hauteur de l’habitacle est inhabituelle, le P.-D.G. veut absolument qu’on puisse y entrer et y tenir assis… sans enlever son chapeau haut-de-forme Le toit est découvrable du pare-brise à la plaque d’immatriculation arrière.
Le capot, en S, adopte des ondulations rectangulaires préfigurant la tôle ondulée qui restera l’apanage de la 2 CV jusqu’en 1961.
Les vitres sont en mica, en deux parties à l’avant, dont l’inférieure relevable pour permettre de tendre le bras (il n’y a pas de clignotant ni de flèche).
Un seul essuie-glace central (déjà !) se manœuvre, à la main. Son parcours est ellipsoïdal (comme celui des Mercedes actuelles) pour balayer tout le pare-brise. Les sièges sont de type hamac.
Un seul phare aussi (celui d’une Traction) et un seul feu arrière, le code de la route n’ayant pas d’autre exigence en la matière.
Sous le capot, on trouve un tout petit bicylindre à plat de 375 cm3 refroidi par eau. Il n’a pas de démarreur. On a envisagé un temps de le faire partir avec une ficelle, comme le moteur d’une tondeuse à gazon, mais on a finalement opté pour une manivelle classique, en place à demeure.
La boîte de vitesses est à trois rapports, la direction à crémaillère, les freins avant sont hydrauliques.
La suspension est étonnante : associées aux fameux pneus Pilote, les quatre roues sont indépendantes, grâce à des bras en magnésium. Elle comprend huit barres de torsion et aucun amortisseur (on trouve seulement des anticabreurs assurant le blocage de la suspension au freinage, par blocage hydraulique).
Le cahier des charges fixé par Boulanger est pratiquement atteint : la voiture, qui ne pèse que 400 kg roule à 50 km/h avec 4 personnes et 50 kg de bagages à bord et ne consomme que 5 l/100 km. Elle est très habitable, confortable et facile à conduire. La guerre ne lui permettra pas de voir le jour.
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Lancée comme une série limitée, la Charleston remporta un tel succès qu’elle fut bientôt inscrite au catalogue, pour devenir enfin le dernier modèle de série. |
Alors que chez Renault certains mettent à profit le long intermède de la guerre pour mettre au point, dans le plus grand secret, la 4 CV, chez Citroën on révise le projet TPV pour le rendre compatible avec les nouvelles exigences économiques qui seront celles d’un monde nouveau, dont les premiers pas se feront sous le signe de l’austérité et des difficultés d’approvisionnement.
Si le public se montre enthousiaste, la presse se fait sarcastique, un journaliste particulièrement avisé demandant si le constructeur fournit l’ouvre-boîtes avec la voiture. Les concessionnaires sont sceptiques, mais le public est enthousiaste. Strictement contingentée, la 2 CV est l’objet de toutes les convoitises. En 1950, le délai de livraison monte à six ans sans décourager les acheteurs !
Le succès ne se démentira pas, la “Deuche” entrant de son vivant au rayon des mythes de l’automobile. La Dyane, destinée à la remplacer, disparaîtra du catalogue bien avant elle et les phares ronds, abandonnés un moment au profit de projecteurs rectangulaires, devront bien vite être rétablis sous la pression des inconditionnels !
Années 1950, années 1960, années 1970, la 2 CV résiste à toutes les modes. Ciblée initialement sur une clientèle rurale ou familiale populaire, l’image commerciale de la voiture n’a cessé de se rajeunir, fait rarissime dans l’histoire d’un modèle. À partir des années 1960, la “Deuche” acquiert même une image estudiantine qui n’est pas étrangère à l’impression de liberté qui se dégage de cette voiture presque entièrement découvrable, passe-partout, économique à l’entretien et sobre ; une vertu qui la place en bonne position une dizaine d’années plus tard lorsqu’éclate la grande crise pétrolière.
Inspiré du fameux deux cylindres à plat opposés monté sur les motos BMW, le flat-twin de la 2 CV évoluera finalement peu durant toute la carrière de la voiture. Très peu encombrant (il y a pourtant beaucoup de place sous le capot), il se révéla d’une extraordinaire fiabilité. Les freins avant (à tambour jusqu’en 1982) sont placés directement en sortie de boîte de vitesses, dont le carter, ici bien visible, est presque aussi volumineux que le moteur lui-même !
Moteur 2 CV |
| Transmission : traction avant par cardans simples Suspension : à quatre roues indépendantes, à interaction entre les roues avant et les roues arrière. Bras avant et arrière reliés par levier et tirant à un ressort hélicoïdal placé dans un pot de suspension horizontal. Batteur à inertie pour chaque roue. Amortissement assuré par quatre frotteurs (un par roue) |
| Freins : à tambour sur les quatre roues |
Moteur |
| Transmission Structure Dimensions, poids et charge |
| Performances et consommation Capacités |