Vingt ans après les premiers pas de Jean Redelé - le père d’Alpine - sur des 4 CV très spéciales, dix ans après l’apparition de la Berlinette "Tour de France", la filiale de Renault crée l’événement en 1981, en présentant l’A 310, une toute nouvelle voiture reprenant cependant l’architecture de la Berlinette : une tout-à-l’arrière à châssis-poutre incorporé dans une coque en polyester stratifié.
L’étude de style de l’A 310, étroitement dirigée par Jean Redelé, a été lancée dès 1968. Elle a été confiée au bureau de style de la Régie, à Rueil-Mahnaison, sous la responsabilité de Marcel Beligond.
Même si, dans un premier temps, les organes mécaniques de la A 310 resteront proches de ceux de la A 110 1600, le but affirmé est alors de créer une GT plus trapue, à même de recevoir une motorisation supérieure et donc plus volumineuse : un V8 ou un V6 européen que bien des constructeurs appellent de leurs voeux depuis longtemps. Il s’agit donc de monter en gamme et de proposer une voiture certes moins sportive, mais plus concurrentielle sur un marché très profitable des GT.
D’un gabarit supérieur à celui de la A 110, la nouvelle Alpine bénéficie cependant d’une ligne plus fine, plus moderne et plus aérodynamique. Elle adopte une rampe à 6 projecteurs s’étendant sur pratiquement toute la largeur de la voiture (seule une mince bande centrale l’interrompt), à la façon d’une Citroën SM.
Conçue de manière à préserver un large compartiment moteur pour l’avenir, la A 310 est beaucoup plus spacieuse que la Berlinette, et offre un aménagement intérieur moins spartiate, même s’il est loin d’égaler celui de bien des concurrentes potentielles. La ligne est indéniablement réussie ; elle constituera la base de multiples évolutions qui, 15 ans plus tard, céderont la place à une nouvelle génération d’Alpine, largement inspirées de la A 310.
La présentation de la nouvelle Alpine, au Salon de Genève 1971, ne soulève guère l’enthousiasme. Les aficionados de la Berlinette n’y voient qu’une Alpine embourgeoisée, et tous ceux qui attendaient une vraie GT sont déçus, notamment par le manque de puissance du quatre-cylindres hérité directement de la A 110 (125 ch à 6 000 tr/mn) et par une finition assez sommaire.
De plus, la précipitation avec laquelle s’est faite la préparation technique du nouveau modèle vaut à la marque de sérieux déboires ; tous les véhicules commercialisés en 1972 seront rappelés pour une remise à niveau une décision courageuse, mais qui entamera durablement la réputation de la voiture.
Dès 1974, la 1 600 VE cède la place à la 1 600 VF, et troque ses deux carburateurs contre une injection électronique Bosch D Jetronic (une évolution conforme à celle enregistrée entre la Renault 16 TS et la Renault 17 TS). La voiture gagne en souplesse, mais conserve sa puissance de 125 ch. Si une version plus puissante est proposée au catalogue 1972, c’est cependant dans la voie de la baisse de puissance que s’engage Alpine en 1976, avec la commercialisation de la 1 600 VG, dotée d’un moteur de Renault 16 TX à carburateur simple corps ; la puissance tombe à 93 ch à 6 000 tr/mn, et la vitesse de pointe de 205 km/h à 190 km/h. Cette A 310 du "pauvre" connaît aussi un dépouillement de son équipement intérieur, ce qui ne contribue guère à améliorer l’image du modèle.
![]() |
![]() |
Ce n’est qu’en septembre 1976 que le PRV6 fait son entrée dans le compartiment moteur de l’Alpine (pour lequel il était prévu), dans sa configuration 2 664 cm3 de 150 ch à 6 000 tr/mn, associée à une boîte 4 rapports (la 1 600 VF avait, elle, une boîte 5).
La donne est complètement bouleversée, et la A 310 doit partiellement être repensée : la suspension, en particulier, est totalement transformée ainsi, bien sûr, que la transmission, mais aussi les freins (disques ventilés à l’avant) et la direction. Pour "passer" un couple (20,8 mkg à 3 500 tr/mn contre 14,7 mkg à 4 500 tr/mn pour la 1600 VF) et une puissance beaucoup plus importants, on adopte aussi de nouveaux pneumatiques, dont les cotes passent de 165x13à 185x 13 (puis 205x 13).
Le comportement est radicalement différent et se révèle très sûr, même si les adeptes du survirage absolu doivent désormais renoncer à tout espoir.
Les évolutions du modèle |
Mars 1971 : sortie de l’Alpine A310 type 1 600 VE à moteur 4 cylindres de 1 605 cm3. 1976 : présentation du type 1 600 VG à moteur 1 647 cm3, alimenté par un carburateur double corps. Boîte de vitesses 5 rapports montée sur tous les modèles. 1977 : type 2 700 VA à moteur V6 de 2 664 cm3. Arrêt de la fabrication des 1 600 VF et VG. Restyling intérieur et extérieur, nouvelle calandre à quatre phares seulement. 1979 : boîte de vitesses à 5 rapports sur la V6. 1981 : montage de nouveaux trains roulants dérivés de ceux de la Renault 5 Turbo. Apparition de nouveaux freins et de nouvelles roues. Montage de nouveaux boucliers plus enveloppants et d’ailes élargies. 1983 : modifications extérieures avec l’apparition d’un sabot de protection des ailes arrière. Présentation du "pack GT" qui comprend des extensions d’ailes, des marchepieds et de nouvelles roues. 1985 : dernier millésime de commercialisation pour l’Alpine A310 V6. |
Bien campée sur ses larges pneumatiques, beaucoup plus lourde que la précédente A 310 (155 kg de plus), équilibrée très différemment (le moteur est moins en porte-à-faux arrière), la voiture vire très à plat, comme sur des rails, gagnant en sécurité ce qu’elle a perdu en agilité (surtout, d’ailleurs, en regard d’une A 110).
Les performances sont enfin à la hauteur de la catégorie à laquelle prétend l’Alpine, avec un bon 220 km/h en pointe.
Curieusement, le PRV6 de l’Alpine A 310 n’évoluera pas, conservant jusqu’en 1985 une alimentation par deux carburateurs. Tout au plus la voiture gagnera-t-elle une boîte à 5 vitesses.
L’Alpine A310 V6 de 1981 recevait les roues de la Renault 5 Turbo.
Alpine A 310 V6 de 1981.
En 1975, 14 ans après sa sortie, la A 110 est encore aux premières places des grandes épreuves de rallye. Si la A 310 fait bonne figure lors de sa première apparition dans le Critérium des Cévennes, elle ne s’imposera jamais durablement, surclassée par les Lancia Stratos et les Fiat 131 Abarth. Son gabarit, son poids, une conception ancienne, ne plaideront pas en sa faveur, en dépit du talent de pilotes comme Fréquelin, Ragnotti et Michèle Mouton.
Tout au plus s’illustrera-t-elle en rallye-cross, une discipline assez prisée au cour des années 70. A partir de 1979 elle ne constituera plus le cheval de bataille de Renault-Sport, qui lui préférera une Renault 5 Turbo autrement mieux armée pour faire face à la concurrence. Mais elle non plus n’établira pas une suprématie égale à celle de la A 110.
Moteur
Modèle A3lO 1600 VE
Quatre-cylindres en ligne, type 844-30, 1 605 cm3
Alésage x course = 78 x 84 mm Taux de compression : 10,25 à 1
Puissance maxi : 125 ch din à 6 000 tr/mn Distribution par arbre à cames latéral
Alimentation : 2 carburateurs horizontaux double corps Weber 45 DCOE.
Modèle A31OI600VF
Mêmes caractéristiques sauf Type moteur 844-34
Alimentation : injection électronique Bosch "D Jetronic".
Modèle A3lO 1600 VG Mêmes caractéristiques sauf :
Type moteur 843-01, 1 647 cm3
Alésage x course = 79 x 84 mm
Taux de compression : 9,25 à 1
Puissance maxi : 93 ch à 6 000 tr/mn
Alimentation : 1 carburateur double corps Weber 32 DAR 7.
Alpine A3lO V6
Six-cylindres en V, type 112.730, 2 664 cm3.
Alésage x course = 88 x 73 mm
Taux de compression : 10,1 à 1
Puissance maxi : 150 ch à 6 000 tr/mn
Distribution par deux arbres à cames en tête (un par rangée de cylindres)
Alimentation : deux carburateurs, 1 double corps (Solex 35 CEEI) et 1 simple corps (Solex 34 TBIA).
Transmission
Roues arrière motrices, boîte de vitesses à 4 ou 5 rapports (voir évolution).
Suspensions avant et arrière à roues indépendantes, triangulées avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs hydrauliques.
Direction à crémaillère.
Freins à disque sur les 4 roues, tous ventilés, depuis le millésime 1981.