Si vous constatez que votre moteur perd de sa puissance et que ses accélérations sont molles alors que la vitesse de pointe est réduite, une perte de compression en est probablement la cause. Si les signes sont plus alarmants, il s’agit peut-être d’une usure générale, mais il est aussi possible qu’un rodage des soupapes soit nécessaire. De toute façon, si vous avez déculassé dans le but d’effectuer un décalaminage, il est impensable de ne pas effectuer un rodage des soupapes.
Après un rodage de soupapes sérieux, celles-ci devraient avoir l’aspect du neuf, comme celles de droite.
Si vous n’avez pas encore démonté la culasse dans le but de décalaminer et que vous hésitiez sur la nécessité d’un démontage, commencez par prendre les compressions, comme nous vous l’expliquons page 589. Si celles-ci sont inférieures à 4 kg, même avec de l’huile dans les cylindres, un rodage des soupapes s’impose. Il faut alors déculasser, comme nous vous l’expliquons page 521, puis déshabiller la culasse et la décalaminer.
Il faut nettoyer soigneusement les soupapes avant de pouvoir les examiner. Observez attentivement la portée de la soupape sur son siège (photos 1 et 4). La plupart du temps, vous pouvez observer une multitude de petits points noirs. Parfois il y a toute une zone sombre, signe d’une mauvaise portée de la soupape, le reste de la surface étant plus brillant ; si c’est le cas, la soupape est sur le point de griller et il est possible de la sauver par un rodage.
Dans les cas les plus graves, la soupape est brûlée et a une échancrure au bord de sa tulipe ; il est alors trop tard pour faire quoi que ce soit, il faut la remplacer. Sinon, il est possible de récupérer les soupapes en effectuant un rodage à la main de chaque soupape sur son siège avec de la pâte à rôder (photo 7).
La queue de la soupape est également soumise à l’usure. Pour vérifier son état (photo 5), enfilez la soupape dans son guide en la maintenant ouverte et levée d’un centimètre environ. Si vous pouvez remuer la soupape latéralement et que vous sentez un jeu quelconque, la queue de la soupape ou le guide sont usés. Répétez l’opération avec une soupape neuve ; si vous décelez toujours un jeu, c’est le guide qui est usé.
La portée des sièges de soupapes présentera les mêmes degrés d’usure que celle des soupapes. Examinez-les de très près et regardez s’il y a des traces de piqûres. La plupart du temps, les sièges portent des traces importantes. S’il y a des zones sombres, un simple rodage ne suffira pas et il faudra fraiser les sièges. Avant de vous lancer dans une telle opération, assurez-vous qu’il reste suffisamment de métal. Si les sièges dépassent légèrement, il est possible de les fraiser, mais s’ils sont noyés dans la chambre de combustion, il faut les remplacer, si toutefois ils sont rapportés (démontables). Cette opération n’est pas à la portée de l’amateur, car les sièges sont sertis par emmanchement serré après avoir été trempés dans l’azote liquide.
L’estimation de l’état des sièges de soupapes est en grande-partie une affaire d’expérience ; si vous avez le moindre doute, il sera donc préférable de porter votre culasse à un atelier d’usinage et de rectification de moteurs automobiles. Un professionnel jugera de l’état exact de votre pièce, et sera à même d’effectuer les opérations nécessitant un outillage spécialisé ou des machines-outils. Vous pourriez éventuellement fraiser vous-même vos sièges de soupapes, mais ce travail est très délicat et demande aussi un outillage spécial.
Vous pouvez facilement juger de l’état des guides, mais il est hors de question de les remplacer. En effet, les guides sont montés comme les sièges de soupapes et sertis au centième de millimètre près, ce qui demande des usinages de haute précision.Il existe deux sortes de guides (photo 11) les guides rapportés, en bronze ou en acier, et les guides venus de fonderie, usinés à même la fonte ou l’aluminium de la culasse.
Évaluez le jeu en remuant latéralement une soupape neuve, comme nous vous l’avons expliqué plus haut. S’il y a du jeu, le guide rapporté sera purement et simplement changé, alors que les guides venus de fonderie seront réusinés à une cote supérieure (diamètre plus grand). On montera alors des soupapes en cote réparation, dont le diamètre de la queue est augmenté en conséquence.
![]() |
11 À gauche, le guide de soupape est usiné dans la culasse. À droite, il est rapporté et emmanché. |
Les guides de poussoirs existent en deux montages, exactement comme les guides de soupapes (photo 13). Leur réparation ou leur remplacement se fait donc de la même manière. Notons, cependant, qu’ils ont beaucoup moins tendance à s’user et que leur remplacement est très rare.
Même si vous montez des soupapes neuves, ou sites sièges de soupapes ont été fraisés, il faut roder les soupapes (photo 2). Cette opération consiste à faire tourner la soupape sur elle-même par un va-et-vient sur son siège, de façon que les deux surfaces de la portée de la soupape et du siège se rodent entre elles ; c’est-à-dire que les minuscules inégalités seront éliminées jusqu’à ce que les deux parties coïncident parfaitement. Vous aurez besoin d’un rodoir qui consiste en un manche en bois portant à ses extrémités deux ventouses de diamètres différents. Il vous faudra aussi une petite boîte de pâte à roder à l’huile avec deux grains différents, du gros et du fin. Certaines soupapes comportent une fente tournevis sur leur tulipe ; il est alors inutile d’utiliser le rodoir.
Sauf dans le cas de soupapes neuves ou de sièges fraisés, vous commencerez toujours avec de la pâte à roder à gros grains (photo 7). Enduisez la portée de la soupape avec un peu de pâte (l’équivalent d’un petit pois), en faisant bien attention de ne pas en mettre sur la queue. Puis mettez la soupape en place dans son guide et sur son siège. Collez la ventouse, de diamètre adéquat, du rodoir sur la tulipe et prenez celui-là entre vos deux mains jointes. Effectuez alors un mouvement de rotation et de va-et-vient tout en appuyant fortement la soupape sur son siège (photo 8).
Le bruit de crissement sera très net au début, puis deviendra peu à peu plus doux au bout de quelques dizaines de va-et-vient, Il faut alors tourner la soupape d’un quart de tour après l’avoir décollée de son siège, et ainsi de suite. Lorsque vous aurez répété cette opération plusieurs fois, le bruit sera très doux ; ce sera le signe que la pâte est usée. Nettoyez la portée et le siège, et remettez de la pâte neuve (grains fins). Répétez les mêmes opérations jusqu’à ce que les petits points de brûlures et les zones d’ombre disparaissent sur les portées.
Dans le pire des cas, il faudra utiliser de la pâte à gros grains à deux reprises, puis changer quatre à six fois la pâte à grains fins. La surface de la portée, après nettoyage, devra être d’aspect gris satiné, bien uniforme et sans aucun point noir visible, même infime. Vous vous rendrez compte en effectuant ce travail que vous êtes en train d’acquérir un tour de main. Vous sentirez dans la paume de vos mains, par l’intermédiaire du rodoir, que la soupape « accroche » de moins en moins et se rode peu à peu, jusqu’à ce que la sensation soit douce, correspondant à un bruit « feutré ».
Lorsque vous pensez avoir terminé, nettoyez toute trace de pâte à roder, car celle-ci détruirait immédiatement le moteur en marche. Huilez les queues de soupapes avec de l’huile moteur et remontez les soupapes (photo 10), en positionnant, bien sûr, chacune d’elles sur le siège sur lequel elle a été rodée. Remontez les ressorts, les coupelles et les demi-lunes à l’aide du lève-soupape, en opérant à l’inverse du démontage (photo 14). II faut alors tester l’efficacité de votre travail. Revissez et serrez les bougies dans la culasse pour fermer les chambres d’explosion, retournez la culasse, et remplissez les chambres avec du gazole ; après une heure ou deux, il ne doit y avoir aucune fuite dans les conduits d’admission ou d’échappement. Si vous êtes méticuleux, ou si vous remontez un moteur pour la compétition, vous pourrez finir le rodage au Miror, jusqu’à ce que les soupapes soient étanches à l’essence, ou même au trichloréthylène. Mais une finition aussi soignée multipliera par deux ou trois le nombre d’heures de travail, elle n’est pas justifiée sur un moteur ordinaire.
Nota : bien que certains en aient déjà eu l’idée, il ne faut pas monter la ventouse du rodoir sur votre perceuse électrique. En effet, le mouvement du rodage doit impérativement s’effectuer en va-et-vient, sinon vous ne parviendrez qu’à user anormalement le siège en certains points de sa périphérie.
Il existe dans le commerce des rodoirs pneumatiques pour professionnels mais dont le prix est élevé ; on trouve également des rodoirs pour amateurs, soit à commande manuelle, par une manivelle, soit adaptable à votre perceuse. Il est recommandé de placer un ressort à boudin assez doux sous la soupape, afin de la laisser se lever de temps en temps en cours de rodage (pour vérifier le travail et varier la position de la soupape sur son siège).
Cela est très pratique lorsqu’on utilise un tournevis à la place du rodoir. Il ne vous reste plus qu’à remonter tous les accessoires de la culasse, c’est-à-dire les rampes de culbuteurs ou les poussoirs et l’arbre à cames en tête (dans ce cas, vous pourrez régler le jeu aux soupapes sur l’établi). Reposez ensuite la culasse sur le moteur, en opérant à l’inverse du démontage et sans oublier de respecter l’ordre et le couple de serrage des écrous de culasse, et de régler le jeu aux soupapes et aux culbuteurs selon les indications du constructeur. |